À la confluence des climats océanique et méditerranéen, sur un petit causse calcaire perché à 300 mètres d’altitude, entre Pyrénées et Massif central, le domaine de Cantalauze comporte 9 hectares de vignes. On y développe la biodiversité, la vie des sols, une conduite de la vigne sur-mesure : on y expérimente une agriculture biologique globale et écologique, et ce depuis l’origine du domaine en 1982. L’ensemble des vins est issu des vignes du domaine qui sont entièrement vendangées à la main. Les fermentations spontanées sont toutes accomplies par les levures indigènes.
Cantalauze est un lieu où se rencontrent des histoires. D’abord celle, ancestrale, du vignoble gaillacois avec sa richesse
culturelle, sa palette de cépages autochtones et la diversité de ses méthodes de vinification. C’est ensuite l’histoire du
hameau de Lintin, avant-poste d’une commanderie de templiers au Moyen-âge, minuscule bastide perchée avec son
église fortifiée. C’est enfin l’histoire plus récente de la génération précédente, celle de Guy et Brigitte Laurent - les
parents de Pierre-Olivier - qui ont commencé ici un véritable travail de pionnier en cultivant et vinifiant de façon
biologique avec la mention Nature et Progrès dès leur installation en 1982.
Faisant figure d’avant-gardistes à cette époque, Guy et Brigitte décident en 1995 de quitter l’appellation Gaillac,
préférant pour garantir la notion de terroir une agriculture respectueuse de la vie des sols et des cycles biologiques et
refusant les techniques œnologiques additives et soustractives. D’où les noms des premières cuvées du domaine :
Dissidence, Libre Expression, Insolence.
Pierre-Olivier et moi nous sommes rencontrés pendant nos études d’ingénieur agronome à Rennes. Après des
expériences viticoles diverses autour du monde, nous avons choisi de nous ancrer en ce lieu, Cantalauze avec son
histoire, la lutte commencée pour y expérimenter des alternatives, y faire renaître la biodiversité, la dynamique de ce
territoire, site de confluence et d’accueil. En reprenant cette ferme nous avons hérité à la fois d’une aventure, d’un projet,
nous avons hérité aussi d’un lieu qui a une histoire, d’un état d’esprit et d’une philosophie « Cantalauze » qui est présente
au quotidien...
Cantalauze ce sont des rencontres, le partage du vin et du cheminement pour y parvenir. Sur ce causse, dans ce tout petit
village qu'est Lintin, il est formidable d’assister au fourmillement d’activité que le vin et la vigne occasionnent quand
on fait le choix du travail manuel et de la vente directe. De l’équipe de taille dans le silence de l’hiver jusqu’aux
vendanges à la fin de l’été, avec ses grandes tablées sous le marronnier, en passant par les rencontres inopinées toute
l’année entre buveurs et buveuses qui viennent s’approvisionner du même cru... le vin crée des liens.
À notre installation en 2014 nous avons commencé par diversifier l’encépagement du vignoble et rénover le chai. Ce
dernier, fondé à même la roche calcaire et aux murs centenaires de la même roche, offre, par son volume et son isolation
thermique, un lieu propice aux vinifications ainsi qu’aux rassemblements culturels et festifs.
Vivre en ce lieu c’est aussi nous adapter à un territoire, c’est en permanence rechercher la cohérence, la bonne dimension,
l’autonomie. Nous réalisons nous-même chaque étape qui compose la vie de la vigne et de celle du vin : depuis la
plantation jusqu’à la vente. Nous utilisons uniquement des matières naturelles pour contenir nos vins : aucune cuve en
matière plastique, des bonbonnes en verre consignées, des étiquettes en papier recyclé lessivables, des bouchons en liège
entiers naturels enrobés de cire d’abeille.
Vivre en ce lieu c’est vivre de lui mais aussi le faire vivre : cultiver sa biodiversité, planter des haies, chaque année
entretenir le vignoble, remplacer les pieds de vigne manquants, réparer le palissage, restaurer les bâtiments.
« La vigne n’est pas une culture alimentaire et en ce sens, elle ne nous est pas indispensable. Pourtant, si le vin nous
accompagne depuis si longtemps, c’est sans doute que nous ne pouvons pas vraiment nous en passer : parce qu’il libère
la parole, symbolise le partage, ouvre les portes de la poésie, des mythes et de la création, ... Par son rapport au terroir,
il reste un lien irremplaçable entre la terre et l’humain. »
« La vigne n’est pas une monoculture : c’est une polyculture pérenne à étages. Si on baisse la tête, au pied des ceps, on
observe le foisonnement naturel d’herbes et d’insectes, qui trouvent entre les rangs un vaste espace disponible. Si on
lève la tête, on aperçoit, au bout du rang, des haies anciennes ou replantées, des bosquets ou des landes couvrant les
affleurements calcaires impropres à la culture et au-delà, la vaste forêt de la Grésigne à laquelle nous sommes adossés.
La vigne s’inscrit dans ce paysage et le construit tout à la fois, elle lui doit sa singularité, et le vigneron s’y sent tout
petit, partie intégrante d’un écosystème qui le dépasse, dans le temps et dans l’espace... car une parcelle de vigne peut
vivre 80 ou 100 ans, elle traverse les générations et nous ouvre les portes du temps. Ainsi, pour le vigneron bio, la
biodiversité est-elle un allié de choix. C’est elle qui permet la fertilité et la vie du sol, limite les populations de
prédateurs, régule le microclimat. »
Nous entretenons notre sol - argilo-calcaire - sans aucun apport de façon à ce que la vigne y puise toute la singularité du
lieu et du millésime jusque dans ses profondeurs souterraines. Nous recherchons un enracinement profond dans un sol
vivant, meuble et aéré. Cet entretien s’effectue par un compostage de surface de la matière organique qu’il produit de
façon autonome, par un non-retournement respectant ses différents horizons et par un décompactage qui en préserve la
réserve hydrique, améliorant ainsi la résistance à la sécheresse. La diversité des variétés d'adventices qui se développent
témoigne du bon équilibre du sol.
Cantalauze signifie « Chante Alouette » en occitan. L’alouette est, dans les croyances populaires, un
oiseau de bon augure, chargé de symboles. Elle représente notamment l'union du terrestre et du céleste
parce qu’elle niche au sol et peut s’élever très rapidement dans le ciel. Considérée comme une espèce
menacée par l’agriculture intensive, l’alouette semble encore trouver refuge sur les terres du domaine.
« La vigne est une liane sauvage qui produit des raisins pour se multiplier et se régénérer... L’homme est un buveur
invétéré qui doit très lentement ''apprivoiser'' sa vigne pour parvenir à ses fins...
Avant de tailler la vigne, il faut la planter : greffer le plant, le faire éventuellement grandir en pépinière, l’installer en
terre, choisir l’orientation des rangs, l’écartement des plants, ... Chacun de ces choix est le début d’un long
compagnonnage : combien faut-il de génuflexions, au pied de chaque cep avant que les racines ne s’installent
solidement, contournant les obstacles pierreux, et de soins attentifs pour que lentement le tronc s’élève et jaillisse de la
terre vers la lumière dont il se nourrira aussi. Il faut ensuite architecturer la vigne en fonction de nos questionnements écologiques, agronomiques mais aussi
économiques et sociaux. Chaque région viticole, chaque vigneron a sa réponse technique particulière. Aussi la taille
est-elle une sorte de langage avec lequel, le vigneron, d’année en année, dialogue avec sa vigne. Chaque cep répond à
sa manière, gardant les traces de nos gestes sur ses charpentes et nous nous attachons petit à petit à ce grand troupeau
végétal...
Nous avons choisi de conduire la vigne à bonne hauteur du sol pour que puisse pousser un tapis végétal abondant et
libre de fleurir. Nous avons voulu aussi lui donner une large surface foliaire d’exposition grâce à un palissage à plus
de deux mètres de hauteur. Nous avons choisi de ne la rogner que très faiblement pour lui permettre de pousser vers la
lumière sans épaissir inutilement son feuillage. Nous avons tenté d’adapter le système de taille pour que les charpentes
des souches occupent au mieux l’espace disponible sans entassement de grappes ni de feuilles, afin que le vent et le
soleil circulent librement et réduisent la pression des champignons parasites. Nous nous sommes également attachés
à pouvoir tailler debout et vendanger à hauteur d’homme par respect pour le vigneron et pour que dure la joie des
vendanges.
Ces exigences nous ont conduit à opter pour un système en double cordon alterné, inspiré de systèmes déjà existants et
accommodé « à la Cantalauze ». Il permet d’adapter la longueur des coursons à la vigueur de la souche, de répartir
équitablement la sève entre fruits et bois, d’éviter les blessures, les tailles rases, les remaniements intempestifs, ...
En ce qui concerne la taille Cantalauze, le tronc est surmonté de deux cordons pérennes qui se croisent et viennent se
fixer sur des fils porteurs en hélice. L’un des cordons porte quatre coursons fructifères, l’autre porte quatre tailles à
bourillon qui fourniront les bois de taille de l’année suivante. La sève est ainsi répartie entre récolte et réserve.
Elle assure le présent et l’avenir. »
Au printemps, un ébourgeonnage précis complète les travaux de taille de l’hiver.
La réflexion et l'attention quotidiennes données à la vigne et à son écosystème se prolongent pendant les vendanges et
les vinifications. Les prélèvements d’échantillons statistiquement représentatifs de chaque parcelle assurent la précision
des contrôles de maturité. Les raisins sont cueillis à la main. Leur intégrité est respectée par un transport en caisse puis
sur tapis élévateur et par la suite par un pressurage pneumatique. Le vin est déplacé par pompage péristaltique. Les
cuves sont en inox ou en béton, de petite capacité pour pouvoir parcelliser. Les blancs et rosés sont pressés directement
en grappe entière puis débourbés avant d’être encuvés en cuve inox ou entonnés. Les rouges sont selon les cuvées
éventuellement éraflés voire foulés et ce juste au-dessus des cuves en béton.
Ce sont les levures indigènes qui assurent toutes les fermentations spontanément. Les élevages sont réalisés en barriques
et demi-muids de chêne de plusieurs vins ou en amphore de terre cuite ou de grès en forme d’œuf. Toutes les mises en
bouteille sont réalisées avant l’été. Les pétillants naturels ne sont pas filtrés, ils finissent de fermenter en bouteille sur
lies puis sont tournés sur pupitre en bois et dégorgés manuellement à la cave.
L’attention au vivant portée à chaque étape permet de donner naissance à des vins naturellement riches de toute la
particularité du terroir et du millésime. Mauzac, Ondenc, Loin de l’Œil en blanc ; Braucol, Duras, Syrah et Prunelart
en rouge : la diversité des cépages cultivés sur le domaine et les différentes méthodes de vinification et d'élevages
déclinent la richesse du patrimoine gaillacois.